Montage en surimpression de deux scènes issus de Vertigo (Alfred Hitchcock, 1958)
et d’Obsession (Brian De Palma, 1976) par Brice Domingues, 2014

VERTIGO/OBSESSION

En 1976, sort dans les salles de cinéma le film Obsession de Brian De Palma. Deuxième volet de la tétralogie hitchcockienne débutée en 1973 avec Sisters (première collaboration avec le compositeur d’Alfred Hitchcock, Bernard Hermann) qui se poursuivra avec Dressed to Kill (1980) et s’achèvera avec Body Double (1984).
  Ces quatre films sont des « méditations » autour du travail de mise en scène et du dispositif narratif déployé par Alfred Hitchcock. Ils constituent alors « un point de départ, une matrice susceptible de générer des développements narratifs et esthétiques spécifiques01  » rapprochant le cinéma de De Palma à celui du pastiche, dans ce cas, entendu par la définition qu’en fait Gérard Génette02 .
  C’est avec Obsession que Brian De Palma réalise son rêve de cinéphile. Une « reprise améliorée » du film d’Hitchcock, Vertigo, réalisé en 1958, invitant pour la deuxième et dernière fois le compositeur Bernard Hermann.

« […] Comprenez bien que Vertigo s’appuie sur l’une des plus belles idées de cinéma : un homme — James Stewart — tombe amoureux d’une illusion — Kim Novak — créée de toutes pièces par un manipulateur Tom Helmore. C’est exactement comme si vous regardez un film ! Vous tombez amoureux d’une illusion créée par le metteur en scène […]03  ».

Ci-après, une liste non exhaustive d’ouvrages ayant servi à l’écriture du projet :

— Samuel Blumenfeld, Laurent Vachaud, Brian De Palma. Entretiens avec Samuel Blumenfeld, Laurent Vachaud, Paris, Calman-Levy, 2001 
— Alain Boillat, « Les reprises du dispositif narratif de Rear Window chez Brian De Palma », in Décadrages, n°3, 2004 
— Nicole Brenez, « L’étude visuelle. Puissance d’une forme cinématographique », in Pour un cinéma comparé. Influences et répétitions, Jacques Aumont (dir.), Paris, Cinémathèque française, 1996, p. 355-368 
— Mathieu Copeland, L’exposition d’un film, Paris, Genève, HEAD – Genève, 2015 
— Jean Douchet, Stage Jean Douchet sur Brian De Palma, Lyon, Institut Lumière, 2013 
— Jean-Michel Durafour, Brian De Palma. Épanchements : sang, perception, théorie, Paris, L’Harmattan, 2013 
— Leonardo Gandini, Brian De Palma, Rome, Gremese, 1996 
— Gérard Génette, Palimpsestes, Paris, Coll. « Essais Point », Édition du Seuil, 1982 
— Iannis Katsahnias, Le monde-regard de Brian De Palma, Les Cahiers du Cinéma, novembre 1996, n°507, p. 15-19 
— Bernd Klüser, Katharina Hegewisch, L’Art de l’exposition. Une documentation sur trente expositions exemplaires du XXe siècle, Paris, Éditions du regard, 1998 
— Luc Lagier, Les Mille Yeux de Brian De Palma, Paris, Dark Stat, 2003 
— Dominique Legrand, Brian De Palma. Le rebelle manipulateur, Paris, Les éditions du Cerf, 1995 
— Aurélie Ledoux, L’ombre d’un doute. Le cinéma américain contemporain et ses trompe-l’œil, coll. « Le Spectaculaire », Rennes, Les Presses universitaires de Rennes, 2012.
— Barbara Le Maître et Jennifer Verraes (dir.), Cinema Museum. Le musée d’après le cinéma, coll. « Esthétiques hors cadre », Presses Unversitaires de Vincennes, Université Paris 8, Saint-Denis, 2013 
— Jean-Philippe Trias, « Doublure 1 : Le rêve du modèle (Body Double de Brian De Palma, 1984), in Cinergon, 16, 2003, p. 115-135 
— François Truffaut avec la collaboration de Helen Scott, Hitchcock/Truffaut, Paris, Éditions Gallimard, 1993 

  • 01 Alain Boillat, «  Les reprises du dispositif narratif de Rear Window chez Brian De Palma  », in Décadrages, 3, 2004, p. 48 
  • 02 «  […] pour les imitations sérieuses, nous pouvons empreinter à la vieille langue un terme à peu près synonyme de pastiche ou d’apocryphe […]  », Gérard Génette, Palimpsestes, Paris, Coll. «  Essais Point  », Édition du Seuil, 1982, p. 43 
  • 03 Brian De Palma. Entretiens avec Samuel Blumenfeld et Laurent Vachaud, Paris, Calman-Levy, 2001, p. 52 

PROJET 01 — DEAR KIM

« The stars are ageless, aren’t they ? No-one ever leaves a star. That’s what makes one a star01 . »

Dans le film Vertigo d’Alfred Hitchcock, l’attirance de John Ferguson, alias Scottie, pour Madeleine, renvoie le spectateur à sa fascination pour les images cinématographiques. Kim Novak est l’interprète de cette femme, lui prête son image et semble, à la vie comme à l’écran, tout aussi absorbée par ce reflet.
  À 83 ans, Kim Novak continue de publier sur les réseaux sociaux des fragments de son passé, photographies de jeunesse essentiellement issues de Vertigo - entremêlées de photographies plus actuelles, parfois excessivement retouchées. Ainsi vie et fiction ont tendance à se confondre avec pour obsession le temps qui passe. Obsession retrouvée depuis peu à travers sa nouvelle carrière de peintre, où là encore elle semble fascinée par son visage d’actrice hitchcockienne. Pour preuve, de nombreuses toiles reprennent les thèmes abordés dans Vertigo, dont le tableau Vortex of Delusion est le plus représentatif.
  Un lien avec le passé que l’on peut entrevoir dans le film Sunset Boulevard de Billy Wilder noué par le personnage de Norma Desmond incarné à l’écran par Gloria Swanson. Elle y interprète son propre rôle d’ancienne vedette du cinéma muet, qui ne tolérant pas sa vieillesse, la renie. Jusqu’à perdre pied avec la réalité en fantasmant son retour triomphant à l’écran, dans le rôle biblique de Salomé. Telles Norma Desmond ou Gloria Swanson, Kim Novak n’a de cesse encore aujourd’hui de ressasser ses images du passé et de croire ainsi à leurs éternités grâce au cinéma.
  Dear Kim est la retranscription d’un échange épistolaire avec l’actrice. L’ensemble de ces lettres, restées sans réponse, sont écrites sous le pseudonyme de Christy. À travers ce personnage, nous confions à Kim Novak toute notre admiration. Au fil des envois, le ton devient de plus en plus intimiste, dévoilant des détails de nos vies privées entremêlant éléments de Vertigo et citations de Norma Desmond, ponctuant ainsi nos écrits d’éléments de fiction et de fragments de vie.
  Cet ensemble est présenté sous la forme d’un film. En bout d’une table, les restes d’un gâteau d’anniversaire en porcelaine, matérialisation d’un souvenir personnel de l’actrice. Filmé d’un point de vue subjectif et accompagné par la voix de Christy, le spectateur se confond alors avec le correspondant. Dans un coin de l’écran, une forme circulaire surgit. Elle danse « en boucle » telle Salomé dans son jeu de séduction ou Norma Desmond qui poursuit sans cesse son image d’actrice immortalisée par le cinéma.

  • Christelle Debono
  • Siyi Li
  • 01  Extrait du dialogue entre Norma Desmond et Joe Gillis tiré du film Sunset Boulevard, Billy Wilder (réal.), 1950 
  • S.00

    Photogramme issu du film Sunset Boulevard, Billy Wilder (réal.), 1950

  • S.01

    Mathew Hale, Page 100 of Miriam's Body, 2013

  • S.02

    anon., photographie montrant Kim Novak avec son amie Ellen fêtant son anniversaire en 2015.

  • S.03

    Marcel Duchamp, La boîte alerte (Missives lascives), 1959-1960.

PROJET 10 — EC-CHEKH MUTT

Échec et mat de l’arabe Ec-chekh mutt signifie « Le roi meurt ». Si l’idée d’abattre le roi est une métaphore directe de la révolution, l’échec est aussi un insuccès, une défaite.
  Ec-chekh mutt, le roi est mort, est une partie d’échecs qui commence et se termine par un double abandon, celui d’un joueur face à lui-même et à son propre passé qu’il n’arrive pas à surmonter. Le film devient ainsi une boucle sans échappatoire où tout est sans cesse rejoué et abandonné.
  En ce qui concerne la partie jouée à l’écran, elle est la reprise à l’identique de celle que disputa Marcel Duchamp face à Robert Crépeaux au championnat de France, en 1924 . Durant cet affrontement, Marcel Duchamp domina Robert Crépeaux, il ne réalisa qu’en fin de partie le jeu de dupe élaboré par son adversaire. Duchamp ainsi conscient de cette manipulation décida d’abandonner la partie pour ne pas mettre son roi en échec.
  Ainsi, Ec-chekh mutt comme Le Joueur d’échecs de Stefan Zweig et les personnages principaux de Vertigo et d’Obsession, ne cessent de jouer et de rejouer le passé pour ne pas oublier. Seul l’abandon, l’arrêt, comme Duchamp l’avait fait 90 ans auparavant permet de court-cicuiter l’histoire du temps un court instant afin de ne perdre contact avec la réel.

  • Julie Deutsch
  • S.00

    Photogramme issu de Marcel Duchamp: A Game of Chess, Jean-Marie Drot (réal.), 1963

  • S.01

    Photogramme issu de Marcel Duchamp: A Game of Chess, Jean-Marie Drot (réal.), 1963

  • S.02

    Photogramme issu de Marcel Duchamp: A Game of Chess, Jean-Marie Drot (réal.), 1963

  • S.03

    Photogramme issu de Marcel Duchamp: A Game of Chess, Jean-Marie Drot (réal.), 1963

  • S.04

    Photogramme issu de Marcel Duchamp: A Game of Chess, Jean-Marie Drot (réal.), 1963

  • S.05

    Photogramme issu de Marcel Duchamp: A Game of Chess, Jean-Marie Drot (réal.), 1963

  • S.06

    Photogramme issu de Marcel Duchamp: A Game of Chess, Jean-Marie Drot (réal.), 1963

  • S.07

    Photogramme issu de Marcel Duchamp: A Game of Chess, Jean-Marie Drot (réal.), 1963

  • S.08

    Photogramme issu de Marcel Duchamp: A Game of Chess, Jean-Marie Drot (réal.), 1963

  • S.09

    Stefan Zweig, Le joueur d’échecs, 1941, p. 40-41

  • S.10

    Stefan Zweig, Le joueur d’échecs, 1941, p. 42-43

  • S.11

    Brouchra Khalili, Mapping Journey , 2008

PROJET 02 — MADELEINE & JUDY

Madeleine & Judy est une réflexion sur la manipulation des images et leurs artificialitées avec pour point de départ le film Vertigo d’Alfred Hitchcock et son adaptation Obsession réalisé par Brian De Palma.
  Madeleine & Judy sont deux affiches qui ont été pensées comme deux lectures possibles de Vertigo où les temporalités s’entremêlent et se rejettent comme les sentiments confus d’un homme amoureux d’une image01 . Elles sont construites à partir de résidus semblables à des sédiments du passé. Des fragments qui s’effacent et apparaissent, comme un flux et un reflux d’images. Un va-et-vient de présence et d’absence, d’images fausses, manipulées, inachevées et résiduelles, que l’on peut lire ensemble à l’unisson, en canon, ou l’une après l’autre.
  Le dispositif d’accrochage présent dans la captation vidéo vient accentuer l’idée du fantôme, par l’utilisation d’une grille comparable à un squelette. Cette grille, support des affiches, intervient comme celle qui révélera par les cadres qu’elles génèrent, leurs fondations. Ainsi, ce dispositif engage le spectateur à regarder entre les lignes que dessine la structure multipliant à l’infini les possibles arrangements d’images où seule la présence du double est ressentie.

  • Joana Pecastaing
  • 01  Brian De Palma « […] Comprenez bien que Vertigo s’appuie sur l’une des plus belles idées de cinéma : un homme — James Stewart — tombe amoureux d’une illusion — Kim Novak — créée de toute pièce par un manipulateur Tom Helmore. C’est exactement comme si vous regardez un film ! Vous tombez amoureux d’une illusion créée par le metteur en scène […] ». Samuel Blumenfeld, Laurent Vachaud Brian De Palma, Paris, Calman-Levy, 2001, p. 52 
  • S.00

    Robert Heinecken, Catherine Deneuve, B & Bewitch, 1988

  • S.01

    Robert Heinecken, Connie Chung, 1986

  • S.02

    Mimmo Rotella, Marilyn, 1963

  • S.03

    Robert Heinecken, Untitled Videogram, 1984

PROJET 03 — MOTEUR

Moteur est une installation qui explore la notion de « démarche » comme empreinte, elle convoque, tel le parfum, le souvenir de l’être absent. Ce projet prend comme modèle les personnages de John Fergusson alias Scottie dans le film Vertigo d’Alfred Hitchcock et de Michael Courtland dans le film Obsession de Brian De Palma, remake de Vertigo. Ce choix est dicté par un point commun unissant ces deux hommes, celui de modeler l’image de leur amante à celle de leur défunte épouse au travers de leur démarche.
  Dans une scène du film Obsession, Michael Courtland essaye de contraindre la démarche de sa jeune compagne, Sandra Portinari, en lui faisant gravir les quelques marches du Parvis de la Galerie des Offices, à la manière de sa femme disparue. C’est certainement dans ce geste que Brian De Palma génère le point de croisement entre Vertigo et Obsession par le biais de ces trois petites marches. 
  À l’instar de Sandra, le spectateur de Moteur est confronté à une consigne défilant sur un prompteur. Ce texte fait référence à l’écrivain Honoré de Balzac qui, pour écrire sa Théorie de la Démarche en 1833, s’était installé à la terrasse d’un café pour observer les passants. Le ton autoritaire de cette consigne renvoie aux demandes pressantes de Scottie qui, à l’image de Michael face à Sandra, attend de Judy qu’elle reproduise la démarche de Madeleine. Le texte défile sur un fond vert, dispositif rappelant les studios de tournage dédiés aux captures de mouvements.  

Pour conclure, le prompteur endosse le rôle de Scottie et du metteur en scène. L’écran génère ici un dédoublement, celui d’un film qui est le reflet d’un autre et celui d’une femme qui doit en être une autre.

  • Adeline Abegg
  • Louisa Cerclé
  • Lucie Richebracque
  • S.00

    Honoré de Balzac, Théorie de la démarche, Paris, éditions Mille et Une Nuits, 2015, p. 50-51

  • S.01

    Photogramme issu de Obsession, Brian De Palma (réal.), 1976

  • S.02

    Photogramme issu de Obsession, Brian De Palma (réal. ), 1976

  • S.03

    Photogramme issu de Vertigo, Alfred Hitchcock (réal. ), 1958

  • O.00

    Adeline Abegg, Louisa Cerclé, Brice Domingues (dir.), Journal Moteur, 2016. Journal mettant en relation un dialogue entre les personnages Sarah et Michael du film Obsession de Brian De Palma (1976) avec un extrait de texte issu de la Théorie de la démarche d’Honoré de Balzac (1833).

  • O.01

    Adeline Abegg, Louisa Cerclé, Brice Domingues (dir.), Journal Moteur, 2016. Journal mettant en relation un dialogue entre les personnages Sarah et Michael du film Obsession de Brian De Palma (1976) avec un extrait de texte issu de la Théorie de la démarche d’Honoré de Balzac (1833).

  • O.02

    Adeline Abegg, Louisa Cerclé, Brice Domingues (dir.), Journal Moteur, 2016. Journal mettant en relation un dialogue entre les personnages Sarah et Michael du film Obsession de Brian De Palma (1976) avec un extrait de texte issu de la Théorie de la démarche d’Honoré de Balzac (1833).

  • O.03

    Adeline Abegg, Louisa Cerclé, Brice Domingues (dir.), Journal Moteur, 2016. Journal mettant en relation un dialogue entre les personnages Sarah et Michael du film Obsession de Brian De Palma (1976) avec un extrait de texte issu de la Théorie de la démarche d’Honoré de Balzac (1833).

  • O.04

    Adeline Abegg, Louisa Cerclé, Brice Domingues (dir.), Journal Moteur, 2016. Journal mettant en relation un dialogue entre les personnages Sarah et Michael du film Obsession de Brian De Palma (1976) avec un extrait de texte issu de la Théorie de la démarche d’Honoré de Balzac (1833).

  • O.05

    Adeline Abegg, Louisa Cerclé, Brice Domingues (dir.), Journal Moteur, 2016. Journal mettant en relation un dialogue entre les personnages Sarah et Michael du film Obsession de Brian De Palma (1976) avec un extrait de texte issu de la Théorie de la démarche d’Honoré de Balzac (1833).

PROJET 04 — TRUE BLUE

True Blue est une expérience sur les images, réelles et symboliques, explorant leurs matérialités et leurs abstractions.
  Cette série de cinq affiches a pour origine le postulat du film d’Alfred Hitchcock, Vertigo, énoncé par le réalisateur Brian De Palma lors d’un entretien pour sa reprise filmée Obsessionde Maria-Milagros Maza : « Un homme — James Stewart — tombe amoureux d’une illusion — Kim Novak — créée de toute pièce par un manipulateur, Tom Helmore. C’est exactement comme si vous regardez un film ! Vous tombez amoureux d’une illusion créée par le metteur en scène01 . »
  Ainsi, True Blue utilise Vertigo comme une base documentaire et une matrice de travail permettant de penser les images au travers du motif floral. Ce dernier omniprésent dans le film sert d’indice de narration dans la mise en scène au même titre que les couleurs. Hitchcock utilise les fleurs comme un langage visuel secondaire connotant chacune des scènes où elles apparaissent, il leur prête une âme et une fonction narrative.
  Cette série d’images imprimées faite de bouquets de roses blanches recouvertes de peinture bleue racontent l’inaccessible, elles incarnent l’attente d’un évènement qui n’arrivera jamais, un éternel espoir. L’existence des roses bleues est artificielle, elles sont fabriquées par les fleuristes eux-mêmes à l’aide d’une bombe aérosol de peinture créée spécialement à cet effet. Ce jeu de dupe est à rapprocher de l’existence des deux personnages principaux d’Obsession et de Vertigo, Sandra et Madeleine, qui ne sont que des artefacts, des êtres artificiels. Ainsi l’image de ces deux femmes peut être considérée comme une pure abstraction qui sera maintenue vivante par celui qui n’aura de cesse de la poursuivre.
  True Blue questionne la création, la recréation, ses volontés et ses revers. C’est un vertige déceptif, où rien ne se passe et rien ne peut se passer, malgré la répétition. Une répétition qui tente inévitablement de reproduire l’effet de cette image, celui de la rendre réelle dans un espace-temps donné.

  • Martin Desinde
  • 01 Samuel Blumenfeld, Laurent Vachaud, Brian De Palma. Entretiens, Paris, Calman-Levy, 2001, p. 52 
  • S.00

    Anthony Claesz, Bouquet de fleurs c. 1600

  • S.01

    Donatien Alphonse François de Sade, La philosophie dans le boudoir, coll. «Folio classique», Paris, Gallimard, 1976

  • S.02

    Daniele da Volterra, David et Goliath, c. 1555

  • S.03

    Anon., vue photographique du Prieuré de Saint-Cosme, 2015

  • S.04

    sachet de graines Pierre de Ronsard

  • S.05

    identification des restes de Pierre de Ronsard par le docteur Robert Ranjard en 1932

  • S.06

    Pierre-Joseph Redouté, Les roses, Paris, Ernest Panckoucke, 1817, p. 3-4

  • S.07

    Pierre-Joseph Redouté, Les roses, Paris, Ernest Panckoucke, 1817, p. 26

  • S.08

    Pierre-Joseph Redouté, Les roses, Paris, Ernest Panckoucke, 1817, p. 29

  • S.09

    Photogramme issu de Getting Inked Hand tattoo Blue Rose, Westwood films, 2013

PROJET 05 — THE EYES OF THE BEHOLDER

Perdu dans la Twilight Zone série télévisée créée par Rod Sterling (1959), la marque de cosmétique pour cheveux, Lilt, partage l’écran avec Bernard Hermann, célèbre compositeur de musique de film d’Alfred Hitchcock, en lettres blanches (cf. source 04).

Hitsch, Berny, Hitsch à nouveau.

L’esthétique publicitaire des années cinquante et le glamour légendaire des actrices de l’âge d’or des grands studios hollywoodiens renvoie inévitablement à Madeleine, personnage interprété par Kim Novak dans le film Vertigo d’Alfred Hitchcock (1958) dont la coiffure sert de point d’ancrage à la spirale complexe de The Eyes Of The Beholder.
  Le pluriel qui reprend le titre de l’épisode de la  Twilight ZoneEye Of The Beholder, indique qu’il n’y a plus un regard, mais des regards, condenser ici par un seul admirateur.
  C’est par le biais de Janet personnage éponyme de l’épisode de La Quatrième DimensionL’oeil de l’admirateur (de son titre français), que Sterling réussis à construire l’image d’une femme sans jamais nous montrer son visage. Le regard du spectateur devient ici celui de l’admirateur qui se projette à travers les bandages qui couvrent son visage, pour se construire l’image de cette femme.

Madeleine, Janet, Sandra.

L’image de l’avant et de l’après, ou autrement dit du repentir est le point d’entrée de ces déambulations. Dans chacun des deux films suivant; à savoir Vertigo ainsi qu’Obsession de Brian de Palma ; la question du repentir flirt avec celle du changement d’identité, de sa falsification même et prend une tournure peu catholique chez De Palma malgré toute la bonne volonté dont Sandra Portinari, personnage incarné par Geneviève Bujold dans Obsession, fait preuve.

« Listen I am a good catholic girl. I obey everything the pope says », Sandra Portinari

L’Église a une place importante dans chacun de ces deux films, et plus particulièrement la St Paulus Cathedral dont Vertigo contient malgré lui une des dernières images filmée avant son premier incendie. Ce qui reste d’elle aujourd’hui est un terrain vague laissant apparaître à nos yeux le contraste étrange des façades victoriennes de ce quartier et les surfaces borgnes qui les prolongent.
  Cette étrangeté architecturale renvoie au hors-cadre. Et c’est précisément la forme du bâtiment révélé par la disparition tragique de St Paulus dans les flammes, qui sert ici de support de projection de ce qui a été, ce qui est, ce qui se cache derrière des bandages, une architecture, l’image d’une femme, d’un film, d’une peinture.

En imaginant alors Obsession comme le repentir de Vertigo, on peut donner au geste de De Palma une attitude quasi-religieuse devant le chef d’oeuvre d’Hitchcock.

« I’d like to go back to that church again. », Michael Cortland

Une des formes combinatoire les plus répandue dans la peinture religieuse se trouve être le retable, qui par sa composition en différents panneaux permet de condenser plusieurs « scènes » ou tableaux pour constituer un ensemble cohérent.
  En cela, il permet aux déambulations et multiples regards de The Eyes Of The Beholder de se condenser sur un même support.
  La touche burlesque qui y a été apporté, est celle de la surprenante Forbidden City située dans Sutter Street à San Francisco ; non loin du célèbre Empire Hotel de Vertigo. Elle est le premier dancing-club chinois au monde à ouvrir ses portes en 1958 et son nom fait presque figure de provocation devant la démesure et le conservatisme de la véritable Cité Interdite de Beijing.

Lilt, St Paulus, la Forbidden City. 

La chanson d’un amour perdu, Winchester Cathedral, qui accompagne la vidéo de The Eyes Of The Beholder, ajoute encore au burlesque, et fait ici office de spot publicitaire de bondieuserie. Nous ramenant ainsi vers Lilt ; objet curieux présent dans le générique de la Twilight Zone, qui façonna en partie l’image des femmes dans les années cinquante.

« You stood and you watched as, my baby left town. », Geoff Stephens, 1966.

  • Rémy Laporte
  • S.00

    Miss Joy, The Girl In The Gilded Cage_, photographie réalisée dans le club de Striptease Forbidden City à San Francisco, c. 1940

  • S.01

    Photographie publicitaire du chanteur Jimmy «Jay» Borges avec, de gauche à droite, Oanna Pang, Arlene Wing, Kako Tani, Sisko Borges (son épouse) et Cynthia Fong

  • S.02

    Publicité du club de strip tease Fordidden City tirée du magazine Playbill, c. 1940

  • S.03

    Rémy Laporte Empire,2015

  • S.04

    Photogramme issu de l'épisode 6 « The Eye Of The Beholder» de la série Twilight Zone, Douglas Heyes & Rod Serling (réal.), 1960 [générique de fin]

  • S.05

    Photogramme issu de l'épisode 6 «The Eye Of The Beholder» de la série Twilight Zone, Douglas Heyes & Rod Serling (réal.), 1960 [générique d'ouverture]

  • S.06

    Photogramme issu de l'épisode 6 «The Eye Of The Beholder» de la série Twilight Zone,réal. Douglas Heyes & Rod Serling (réal.), 1960 [générique d'ouverture]

  • S.07

    Image extraite de la publicitié How 1950s Women Weatherproofed Their Hair

  • S.08

    Vue google map de batiments dans une rue de San Francisco 2016

  • S.09

    Photogramme issu de Vertigo, Alfred Hitchcock (réal.), 1958

  • S.10

    Rémy Laporte sans titre, 2016

  • S.11

    Photographie de l'incendie de l'église St. Paulus Lutheran à San Francisco, le 05.11.1995, collection du San Francisco Fire Department Collection

  • S.12

    Anon., photographie de la cathédrale de Chartres, c. 2010

  • S.13

    Rémy Laporte sans titre, 2015

  • S.14

    Rémy Laporte, Listen (Dad), I'm a good Catholic girl, 2015

  • S.15

    Photogramme issu de Obsession, Brian De Palma (réal.), 1976

  • S.16

    Photogramme issu de Obsession, Brian De Palma (réal.), 1976

PROJET 06 — TWE

TWE (Trans World Empire) est un espace factice, un décor créé à partir du film Vertigo d’Alfred Hitchcock et de son adaptation Obsession par Brian de Palma. Le final de ces deux films a comme point commun de se dérouler dans des lieux que le philosophe Marc Augé définit comme des non-lieux : l’hôtel Empire dans le film Vertigo et l’aéroport international de Los Angeles où se trouve la compagnie aérienne Trans World Airline dans le film Obsession.
  Selon Marc Augé, « le non-lieu est un espace que l’homme ne vit pas et ne s’approprie pas. C’est donc un lieu de mouvement, idéal pour évoquer un changement. Les non-lieux se définissent par opposition aux lieux, marqués par une culture localisée dans le temps et l’espace. […] Ils échappent aux principes identitaires, relationnels et historiques. Ils sont générateurs d’identité solitaire, de passage, provisoire, éphémère. Le lieu et le non-lieu n’existent jamais sous forme pure, il y a toujours un peu de l’un dans l’autre ; dans le jeu de l’identité et du relationnel. Lieux et non-lieux se réinventent sans cesse, et peuvent être considérés comme des polarités fuyantes. […] L’espace serait au lieu ce que devient le mot quand il est parlé01 . »
  Ainsi TWE est un non-lieu, entre fiction et réalité, à la frontière de ces deux films comme un possible point de basculement. Cet espace fantomatique renvoie à l’idée de mirage au même titre que les personnages principaux féminins développés par les réalisateurs, Madeleine pour Alfred Hitchcock et Sandra pour Brian De Palma. Personnages qui n’auront de cesse de prétendre ce qu’ils ne sont pas.
  Dans ce jeu de dupe, TWE s’est construit comme la matérialisation d’éléments empruntés aux deux films révélant ces changements d’identités :

La robe de chambre de John Fergusson que porte Madeleine lors de son sauvetage de la baie de San Francisco. (Vertigo)
L’enseigne aux caractères typographiques lumineux de l’hôtel Empire. (Vertigo)
La stèle dédiée à Carlotta que vient fleurir Madeleine. (Vertigo)
La pulsation lumineuse dans la scène l’aéroport. (Obsession)
Le dialogue entre Sandra et Michael à l’église de San Gimignano. (Obsession)

TWE est un décor filmé où se succède une série de plans au mouvement très lent, oscillant entre images fixes et images en mouvement. Immergées dans un jeu alterné coloré de rouge et de vert, ces images convoquent tour à tour l’incarnation et le simulacre. Dans ce décor repose une robe de chambre aux dimensions exagérées, calquées sur la corpolance des différents couples symboliques de Vertigo : John/Carlotta, John/Madeleine et John/Judy. Vétément indice, réflet du comportement double du(des) personnage(s) féminin(s). En arrière plan, une tapisserie, aux formes cryptiques, contient le dialogue entre Sandra et Michael lors leur première rencontre. Ce dernier02 , véritable repentir, révèle sous sa surface l’entreprise filmique de Brian De Palma.

« Qu’est-ce que vous faites ?
Je suis dans l’immobilier.
Ah. Ça a l’air important.
Ça ne l’est pas. Mon nom est Courtland. Michael Courtland.
Enchantée de vous connaître. Je m’appelle Sandra. Sandra Portinari.
Vous faites ce travail depuis longtemps ?
Oh, je ne suis pas restauratrice. Je ne suis qu’un artisan. Mais je prépare tout pour le spécialiste. Voyez-vous, il y a quelques années longtemps après les inondations l’humidité s’est infiltrée dans une partie du retable et il a commencé à s’écailler révélant un tableau plus ancien sous sa surface. Les experts en histoire de l’art ont dû prendre une décision. Devaient-ils détruire le grand tableau de Daddi pour découvrir une ébauche grossière sous sa surface ? Où devaient-ils restaurer l’original sans jamais savoir ce qu’il recouvrait ? Qu’auriez-vous fait ?
Je l’aurais préservé. La beauté doit être protégée
02 . »

En conclusion, TWE est une chimère, rencontre entre deux mondes, celui du réel et de la fiction telle une porte entrebâillée nous laissant entrevoir « l’angle mort » qui existe entre ces deux films.

  • Tiphaine Moreau
  • Camille Thomas
  • Vincent Lafosse
  • 01  Marc Augé, Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité, coll. «  La Librairie du XXe siècle  », Seuil, Paris, 1992, p. 44.
  • 02  extrait d’un dialogue entre Sandra et Michael dans l’église de San Mignona tiré du film Obsession, Brian De Palma (réal.), 1975.
  • S.00

    Photogramme issu de Vertigo, Alfred Hitchcock (réal.), 1958

  • S.01

    Photogramme issu de Vertigo, Alfred Hitchcock (réal.), 1958

  • S.02

    James Viscardi, Wash and Blue Patagonia, 2015

  • S.03

    Alphabet morse

  • S.04

    Photogramme issu de Vertigo, Alfred Hitchcock (réal.), 1958

  • S.05

    Photogramme issu de Vertigo, Alfred Hitchcock (réal.), 1958

  • S.06

    Photogramme issu de Obsession, Brian de Palma (réal. ), 1976

PROJET 07 — THE GIRL SCORES

En 1976, Brian De Palma décide de reprendre le film Vertigo d’Alfred Hitchcock afin de réaliser Obsession qu’il construit comme un travail de « reprise améliorée ». Pour ce film, De Palma collaborera pour la deuxième fois01  avec Bernard Hermann, célèbre compositeur d’Hitchcock, pour écrire la bande originale d’Obsession.
  Le projet The Girls Scores explore les similitudes entre Madeleine et Sandra, héroïnes respectives des deux films, avec comme point de départ les thèmes musicaux de Vertigo.
  À partir des partitions de Bernard Hermann écrites pour Hitchcock, The Girl Scores a été réalisé en esquissant le personnage de Sandra à l’aide du motif sonore de Madeleine. Ainsi la partition The Girls Scores, double et fantomatique, cherche à rendre perceptible cette quête vouée à l’échec de l’éternel recommencement, celle de retrouver Sandra au travers de Madeleine.
  Cette partition a été interprétée par une pianiste vêtue de noir dont les mains sont l’élément central de la captation vidéo. Elles sont à la fois évocatrices de charme et symbole de manipulation — jouer et se jouer de. Manipulation que l’on retrouve comme le thème commun à ces deux films. Dans cette séquence, le décor se dévoile de plan en plan dans un mouvement circulaire centrifuge, révélant peu à peu les coulisses d’un tournage : lieu du faux semblant et matrice de fiction cinématographique.

  • Martin Ferrer
  • Quentin Stock
  • Oscar Louapre
  • avec l’aide de Pauline Quille
  • et de Clément Brunon
  • 01  Brian De Palma (lors de sa première rencontre avec Bernard Hermann pour la réalisation de la bande originale de son film Sisters) : «  J‘ai rencontré Bennie [Bernard Hermann] au labo à la sortie de l’ascenseur. Il était d’humeur maussade après son long voyage. Il ne nous regardait même pas et baissait la tête. Nous lui disions  : ’M. Herrmann, c’est un honneur de vous avoir…’ Mais il n’en avait rien à faire. Nous sommes entrés en salle de projection. Nous avons lancé le film, où j’avais provisoirement mis des morceaux à lui, pensant que ça le flatterait. Mais après seulement trente secondes, il s’est mis à hurler. Il s’est bouché les oreilles en disant : « Enlevez-moi ça. Ça m’empêche de regarder le film. » Nous étions horrifiés d’avoir contrarié ce grand maître. J’ai couru pour enlever la piste son. Nous avons passé le film en muet.  » Extrait de l’entretient réalisé par Luc Lagier pour le DVD du film _Sisters_, Brian DePalma (réal.), Wild Side video .
  • S.00

    Photogramme issu de Vertigo, Alfred Hitchcock (réal. ), 1958

  • S.01

    Bernard Hermann en compagnie du réalisateur Brian De Palma et du producteur George Litto lors du tournage du film Obsession, photographie Paul Hirsch, 1976

  • S.02

    Photogramme issu de Obsession, Brian De Palma (réal.), 1976

  • S.03

    photographie d'un cors de chasse

  • S.04

    Préparatifs pour la retransciption de la partition The Girl Scores, 2016

  • S.05

    Alfred Hitchcock en compagnie de Bernard Hermann, 1955, Paramount/The Kobal Collection

  • S.06

    «Anri Sala: Answer Me» au New Museum, photographie Maris Hutchinson/EPW Studio

  • O.00

    Martin Ferrer, Quentin Stock, Oscar Louapre, Brice Domingues (dir.), The Girl Scores 12, 2016. Réalisation d'une série de 12 cassettes audio contenant la bande son The Girl Scores.

  • O.01

    Martin Ferrer, Quentin Stock, Oscar Louapre, Brice Domingues (dir.), The Girl Scores 12, 2016. Réalisation d'une série de 12 cassettes audio contenant la bande son The Girl Scores.

  • O.02

    Martin Ferrer, Quentin Stock, Oscar Louapre, Brice Domingues (dir.), The Girl Scores 12, 2016. Réalisation d'une série de 12 cassettes audio contenant la bande son The Girl Scores.

  • O.03

    Martin Ferrer, Quentin Stock, Oscar Louapre, Brice Domingues (dir.), The Girl Scores 12, 2016. Réalisation d'une série de 12 cassettes audio contenant la bande son The Girl Scores.

  • O.04

    Martin Ferrer, Quentin Stock, Oscar Louapre, Brice Domingues (dir.), The Girl Scores 12, 2016. Réalisation d'une série de 12 cassettes audio contenant la bande son The Girl Scores.

  • O.10

    Martin Ferrer, Quentin Stock, Oscar Louapre, Brice Domingues (dir.), Partition de The Girl Scores, 2016.

  • O.11

    Martin Ferrer, Quentin Stock, Oscar Louapre, Brice Domingues (dir.), Partition de The Girl Scores, 2016.

  • O.12

    Martin Ferrer, Quentin Stock, Oscar Louapre, Brice Domingues (dir.), Partition de The Girl Scores, 2016.

  • O.13

    Martin Ferrer, Quentin Stock, Oscar Louapre, Brice Domingues (dir.), Partition de The Girl Scores, 2016.

  • O.14

    Martin Ferrer, Quentin Stock, Oscar Louapre, Brice Domingues (dir.), Partition de The Girl Scores, 2016.

PROJET 08 — LUX PERSEQUOR LUX

La tôle luisante, lisse, réfléchissante est le véhicule des désirs.

Dans le roman Crash de James Graham Ballard, les personnages poursuivent une exploration sexuelle à travers la puissance automobile et les stigmates corporels laissés par les accidents de la route. Au sujet de l’adaptation de son texte au cinéma par David Cronenberg, Ballard dira : « son film commence là où s’arrête mon livre ».
  Influencé par cette relation de fascination et de prolongement, Lux Persequor Lux est une proposition cinématique construite d’après le film Vertigo d’Alfred Hitchcock.
  Les repères spatiaux sont absents, seule reste l’impression d’un habitacle de voiture. L’orbe lumineux du vidéo-projecteur arrive à contre sens, en plein phare, sur une route de nuit. Il éblouit la caméra et le regardeur. Les cuts sonores, identiques à un dérèglement du rythme cardiaque, surprennent le spectateur en voyeur dans ce qui semble être une poursuite. Un disque rayé qui saute, un sample mal bouclé qui recommence.
  On voudrait arrêter les images du film, les étaler, les prendre pour soi, regarder dans le rétroviseur de la voiture de Kim Novak, être un piéton sur le trottoir. Voir à travers les fantômes. Vouloir le contrechamp qui permettrait d’élucider le mystère. Mais les images nous échappent, elles glissent contre nos yeux et nous laissent fascinés comme le ferait l’incendie nocturne d’une botte de foin dans un pré.

  • M’hand Abadou
  • PS. Persequor est l’origine étymologique latine de «  poursuivre  » et lux de «  lumière  ».
  • S.00

    Anon., photographie d'une voiture De Soto Firedome de 1956, c. 2000

  • S.01

    Bertrand Lavier, Giulietta, 1993

  • S.02

    Photogramme issu de Vertigo, Alfred Hitchcock (réal.), 1958

  • S.03

    M'hand Abadou, 2014

  • S.04

    M'hand Abadou, 2015

  • S.05

    M'hand Abadou, 2015

  • S.06

    M'hand Abadou, 2015

  • S.07

    James Graham Ballard, Crash, Barcelone, édition Minautoro, 2003

  • S.08

    Photogramme issu de Obsession, Brian De Palma (réal.), 1976

  • S.09

    Pierre Boussel, photographie de l'épave de la voiture de la princesse Diana, 1997

  • S.11

    Stanislas-Louis Bernier, Mausolée d'Halicarnasse, 1877

  • S.12

    Tullio Crali, La Forza della Curva, 1930

PROJET 09 — DÉJÀ VU

Déjà vu devait être le titre du film Obsession de Brian De Palma, adaptation du célèbre film d’Alfred Hitchcock, Vertigo
  Le projet Déjà Vu prend comme point de départ le thème du vertige et du double, et explore les détails de mise en scène orchestrés par De Palma. Déjà vu s’organise en deux parties. Une première consiste à résumer le film en une série de feuilles de service réalisée à partir du seul visionnage d’Obsession et d’étudier à partir de chaque élément listé les détails qui ont servi à structurer le récit du film. Cet ensemble réunit dans un ouvrage de 180 pages dessine en creux le portrait du film, un double en forme de liste. La deuxième partie explore le livre comme la partition d’un film en devenir. L’espace du livre se transforme alors en une déambulation filmée, grâce à trois performeurs, tentant d’épuiser par une série de gestes et de mouvements l’espace vide d’une salle. Les corps filmés sont à la fois les reflets fantomatiques du film, modelés par une série de données, ainsi que le moyen d’arpenter ce livre comme un espace possible de réinterprétations infinies.
  En conclusion, Déjà Vu se comprend comme la reprise de la reprise, un champ contre champ d’un même film Obsession, produisant un effet de larsen.

  • Alexandra Bellon
  • Sarah Haimiche
  • avec l’aide d’Élina Chared,
  • de Maria-Milagros Maza
  • et de Franck Kirch
  • S.00

    Umberto Eco, Le vertige de la liste, Paris, Flammarion, 2009

  • S.01

    Marina Gadoneix, Rock and Sand, 2012

  • S.02

    Samuel Beckett, Quad, 1981

  • O.00

    Alexandra Bellon, Sarah Haimiche, Brice Domingues (dir.), Livre partition, 2016.

  • O.01

    Alexandra Bellon, Sarah Haimiche, Brice Domingues (dir.), Livre partition, 2016.

  • O.02

    Alexandra Bellon, Sarah Haimiche, Brice Domingues (dir.), Livre partition, 2016.

  • O.03

    Alexandra Bellon, Sarah Haimiche, Brice Domingues (dir.), Livre partition, 2016.

  • O.04

    Alexandra Bellon, Sarah Haimiche, Brice Domingues (dir.), Livre partition, 2016.

  • O.05

    Alexandra Bellon, Sarah Haimiche, Brice Domingues (dir.), Livre partition, 2016.

  • O.06

    Alexandra Bellon, Sarah Haimiche, Brice Domingues (dir.), Livre partition, 2016.

  • O.07

    Alexandra Bellon, Sarah Haimiche, Brice Domingues (dir.), Livre partition, 2016.

  • O.08

    Alexandra Bellon, Sarah Haimiche, Brice Domingues (dir.), Livre partition, 2016.

  • O.09

    Alexandra Bellon, Sarah Haimiche, Brice Domingues (dir.), Livre partition, 2016.

  • O.010

    Alexandra Bellon, Sarah Haimiche, Brice Domingues (dir.), Livre partition, 2016.

  • O.011

    Alexandra Bellon, Sarah Haimiche, Brice Domingues (dir.), Livre partition, 2016.

  • O.012

    Alexandra Bellon, Sarah Haimiche, Brice Domingues (dir.), Livre partition, 2016.

  • O.013

    Alexandra Bellon, Sarah Haimiche, Brice Domingues (dir.), Livre partition, 2016.

  • O.014

    Alexandra Bellon, Sarah Haimiche, Brice Domingues (dir.), Livre partition, 2016.

2015 – 2016 F(S)DL, L(S)DF

[+] extrait du film Obsession, Brian De Palma (réal.), 1976

Forme(s) de lecture, lecture(s) de forme 2015 – 2016 est un atelier de recherche et de création sur les stratégies et les potentiels narratifs des dispositifs de médiation.

Cet atelier avait pour sujet d’étude le film Obsession réalisé par Brian De Palma en 1976, adaptation du film Vertigo réalisé par Alfred Hitchcock en 1958. Dans ce travail de « reprise », chaque participant s’est intéressé aux mécaniques narratives et formelles mises en place par Brian De Palma en regard du film d’Alfred Hitchcock.
  Le travail a été entrepris en questionnant la notion de « dispositif narratif » présent dans le cinéma Hitchcockien et défini par l’historien Alain Boillat comme « […] une modalité spécifique de gestion de la transmission de l’information, l’assignation d’une “place” donnée au spectateur au sein de l’univers filmique qui passe notamment par la construction d’un système qui relie regards et actants du récit01  ». Puis en appréhendant sa reprise dans le film de Brian De Palma en regard des propos de la théoricienne Nicole Brenez : « Pour De Palma, il suffit de prendre une image et d’en développer le manque. [Jean-Luc] Godard n’aura jamais assez de plans, comme en témoignent les Histoire(s) du cinéma, pour De Palma il y a toujours trop d’images, on n’en finira jamais de les creuser, c’est-à-dire de vérifier au moins trois choses : déceler ce que, en tant que champ, elles recèlent du contrechamp ; déployer ce que, en tant que plan, elles voilent ; démontrer ce que, en tant que visées, elles manquent02 . »
  Ainsi chaque étudiant a pu trouver l’indice, l’image amorce, propice à une série d’interprétations donnant une nouvelle lecture03  proche ou éloignée d’Obsession, révélant pour certains « l’angle mort » existant entre les deux films.
  Une fois mises en forme, ces propositions ont dû s’accommoder d’un dispositif de médiation : le film. Que ce soit un livre, une sculpture, un texte… chaque pièce a dû exploiter la relation objet/spectateur, quitte à ce que le dispositif ajoute un niveau supplémentaire de narration. Une mise en abyme permettant au spectateur d’être au centre de la fiction. Seul l’écran, reflet de l’œuvre dématérialisée devenait le support de l’exposition — le « film comme exposition04  ».

  • 01 
    Alain Boillat, « Les reprises du dispositif narratif de Rear Window chez Brian De Palma », Décadrages, 3, 2004, article consulté le 21 mai 2015. http://decadrages.revues.org/555 
  • 02 
    Nicole Brenez, « L’Étude visuelle puissance d’une forme cinématographique (Al razutis, Ken Jacobs, Brian De Palma », in Pour un cinéma comparé, Jacques Aumont (dir.), Paris, Cinémathéque Française, 1996, p. 364 
  • 03 
    Il s’agit ici de percevoir le travail de « lecture » du film Obsession comme une « […] activité coopérative qui amène le destinataire à tirer du texte ce que le texte ne dit pas mais qu’il présuppose, promet, implique ou implicite, à remplir les espaces vides, à relier ce qu’il y a dans ce texte au reste de l’intertextualité d’où il naît et où il ira se fondre. » Umberto Eco, Lector in fabula, Paris, édition Grasset et Fasquelle, 1985, p. 7-8 
  • 04 
    Mathieu copeland citant dans l’ouvrage L’Exposition d’un film les propos de l’artiste Pierre Leguillon, « nous ne sommes pas dans la documentation d’un geste mais dans la fabrication à l’intérieur de l’image d’un espace propre pour des objets spécifiques à cet espace. » Mathieu Copeland, L’exposition d’un film, Genève, Head Genéve, 2015, p. 5 

[+] extrait du film Vertigo, Alfred Hitchcock (réal.), 1958
M’hand Abadou
ENSAD
Adeline Abegg
ENSAD
Alexandra Bellon
ENSAD
Louisa Cerclé
ENSAD
Christelle Debono
ENSAD
Martin Desinde
ENSAD
Julie Deutsch
ENSAD
Martin Ferrer
ENSAD
Sarah Haimiche
ÉCOLE DES MINES
Quentin Stock
ENSAD
Vincent Lafosse
ICN
Rémy Laporte
ENSAD
Siyi Li
ENSAD
Oscar Louapre
ÉCOLE DES MINES
Tiphaine Moreau
ENSAD
Joana Pécastaings
ENSAD
Lucie Richebracque
ICN
Camille Thomas
ENSAD

Le site internet de l’atelier « Forme(s) de lecture, lecture(s) de forme », 2015-2016 a été pensé dans une continuité, une reprise du site de l’atelier 2014-2015, en écho au travail d’adaptation réalisé par Brian De Palma pour son film Obsession d’après Vertigo. La structure éditoriale du site reste quasiment inchangée, elle garde ainsi un rapport entre la production d’un travail finalisé et sa documentation.
  Seul deux éléments diffèrent. Le caractère typographique de titrage a été changé par le Filmotype Royal faux jumeau du caractère présent dans le générique d’introduction d’Obsession. Quant au filet, sa transformation modifie l’écran en un espace bifide, accentuant la relation entre film et son hors champ, documentation et révélation de son dispositif de captation (présentée dans la rubrique Vue).
  Cette démultiplication des écrans permet de rendre un hommage formel à l’utilisation De Palmienne du split screen en « évacuant tout hors champ ». Elle renforce également la multiplicité des points de vue entre l’image du document et sa mise en scène.

Coordination éditoriale et graphique :

Développement et intégration :

Mise en ligne le 01.11.2016